Interview de Anne Bourhis, participante au projet Danses Extraordinaire
Jeune femme pétillante, Anne Bourhis a choisi de rejoindre le Collectif T’Cap à la fin de l’année 2017, en assumant la fonction de co-présidente. Depuis 2020, elle en est la référente « Culture ». En 2021 elle devient co-responsable du projet européen “Erasmus+ Danses Extraordinaires – Projet de petite échelle Partenariats de coopération stratégique” (janvier à décembre 2022).
Pourquoi as-tu choisi d’entrer dans la danse ?
J’ai toujours aimé danser. Je faisais de la danse indienne, une danse très codée, je ne pouvais pas en faire tous les mouvements. Me montrer à danser ne me posait pas de problème. Mais l’idée de passer dans un spectacle, devant un public… C’est tout à fait différent !
En mars 2018, alors que nous réalisions des activités d’apprentissage et de formation dans le cadre du projet européen “Change Ton Regard” au Portugal, j’ai eu l’occasion de participer à un atelier danse. Jade, la directrice du Collectif T’Cap, m’a alors parlé du projet de création chorégraphique « Traversée(s) ». Elle m’a demandé pourquoi je ne m’étais pas inscrite, puisque manifestement la danse me plaisait. Cela m’a semblé une évidence : oui, pourquoi ne pas me lancer ?!
Être référente Culture Handicap en tant que co-présidente au Collectif T’Cap et sur le projet Erasmus +, ça a quel sens pour toi ?
C’est essentiel de mettre en pratique le « jamais pour nous sans nous » qui se développe. Je ne vois pas l’intérêt de ce travail si les premières personnes concernées n’ont pas leur mot à dire. Bien sûr, le regard des professionnels est important, mais il faut le regard et l’apport de personnes en situation de handicap, comme dans le projet européen « Danses Extraordinaires ».
Et de manière personnelle, qu’est-ce que cette place de coordination dans le projet européen “Danses Extraordinaires” t’a apporté ?
J’ai dépassé quelques limites ! Ça m’a donné des compétences, qui sont encore à creuser évidemment. J’ai dû prendre des responsabilités, notamment en pilotant certaines réunions de travail. J’ai développé des capacités d’organisation. J’apprends. J’augmente en compétence sans vraiment m’en rendre compte. Ça m’a donné confiance sur la place que je peux prendre dans mes différentes fonctions au Collectif T’Cap. Un rôle nourrit l’autre !
Avais-tu des appréhensions ?
Oui. Je pense qu’il m’a fallu du temps. J’ai tendance à me mettre en retrait et observer pour savoir quelle place prendre. Il ne me semblait pas facile de dire « ça je peux faire ». À présent, je peux prendre cette place de manière plus naturelle.
Comment fais-tu passer ce message dans l’expérience transnationale avec les partenaires ?
Les personnes qui sont dans le projet « Danses Extraordinaires » travaillent déjà avec des personnes en situation de handicap. C’est vrai, on n’en finit pas de découvrir les personnes en situation de handicap et de s’adapter à chaque particularité. Par exemple, Florian et Nadji (partenaires de Cascina Macondo – It.) ont été sensibilisés au fait que la luminosité trop vive pouvait gêner quelqu’un de malvoyant. Cependant, beaucoup d’anticipation a permis qu’il y ait déjà une vraie approche pour tenir compte de chacun. Le projet montre aussi que l’écoute et le simple bon sens vont beaucoup aider à accueillir les gens, tels qu’ils sont.
Comment ta place dans le projet « Danses Extraordinaires » a-t-elle évolué ? Comment la définirais-tu ?
Par manque de confiance en moi, il m’a fallu du temps. Il n’y a pas vraiment de barrière entre « Anne la référente du projet » et « Anne, la personne ». J’ai tendance à m’effacer devant les professionnels mais j’ai pu prendre une place petit à petit, oser faire entendre ma parole. Finalement, cette place de référente m’apporte progressivement de la confiance en tant que personne. Et j’ai pu être amenée à exprimer ma vision concrète du projet qui est forcément différente de celle des chorégraphes et des universitaires. Être au cœur du développement du droit à l’autodétermination, banaliser l’idée de « handicap » me plait énormément. C’est l’intérêt de ce qui peut ressortir de NOTRE expérience, notre regard.
Comment définirais-tu le projet « Danses Extraordinaires »que tu as vécu, avec le recul ?
C’est fantastique ! Nous sommes issus de structures différentes, nous n’avons pas la même manière de vivre et survivre dans chaque pays. Chaque chorégraphe a sa propre façon d’aborder la danse et d’aborder la question du handicap… Et cependant, c’était fabuleux de voir le tissage qui a été tout à fait possible entre les personnes, sur leur manière d’appréhender la danse, et les personnes qui dansent.
Et comment vois-tu la suite ?
Là, c’était juste l’entrée ! J’ai hâte de passer au plat de résistance. Des choses se sont créées. Chacun a pris le temps de se connaître et de se reconnaître dans les différentes pratiques pédagogiques, artistiques. J’ai hâte de voir ce qui va en émerger même si je ne sais pas ce que ce sera. J’ai hâte aussi de voir quelles compétences vont continuer à éclore de mon côté. On ne peut pas anticiper forcément mais je fais confiance aux gens et je commence à me faire confiance pour peut-être affirmer ma place. Elle est déjà là, j’ai juste à agrandir le nid.
As-tu d’autres choses à ajouter ?
« Ensemble, on va plus loin »… ça semble bateau mais c’est sacrément vrai. Le travail en coopération est porté par un vrai respect, c’est impressionnant de voir à quel point cela repousse les limites de chacun.